Katherine Hudon
Elle, She/Her
Educatrice spécialisée 0-5ans
Katherine, parle-nous un peu de toi et de ton parcours.
Mon mari et moi avons habité à Fermont pendant six ans pour le travail. Nous avions l’intention d’y habiter à long terme. Nous étions bien installés et avions développé un beau réseau social. C’est le 14 février 2023, que l’accident est survenu. C’était une belle journée, sans vent et avec un beau soleil. Nous sommes allés faire une sortie en motoneige. La frontière du Labrador se trouvait à une trentaine de minutes . Nous sommes donc partis dans cette direction. Environ cinq minutes avant d’arriver, on a frappé une bosse qui était non signalée sur le sentier. Habituellement, tout est signalé. Mon conjoint s’apprêtait à continuer, mais je lui ai tapé sur l’épaule pour l’aviser que je ne sentais plus mes jambes et qu’il fallait appeler le 911. Lorsque les policiers sont arrivés, ils cherchaient une motoneige accidentée, mais il n’y en avait pas. Ils étaient confus. On ne faisait pas de vitesse et je n’ai pas été éjectée, mais malgré ça, le rebond a été suffisant pour fracturer ma colonne. Il y a eu une vertèbre (T12) qui a frappé ma moelle épinière. J’ai une paraplégie incomplète de type D, ce qui fait que j’ai de la mobilité et mes systèmes internes fonctionnent.
Après l’accident, j’ai été transporté à l’Hôpital de l'Enfant-Jésus pendant un mois et ensuite je suis allée en réadaptation jusqu’au mois de juillet. Par la suite, j’ai continué la réadaptation à l’externe. À Fermont, les médecins sont des médecins généralistes et il n’y a aucun service de réadaptation. C’est pour cette raison que nous avons dû déménager à Alma.
Le déménagement n’a pas été évident ; le marché actuel des maisons n’est pas idéal et à cela on ajoute les délais d’attente pour l’adaptation du domicile et des véhicules. Nous avons eu la maison au mois d’août et l’ascenseur y était autorisé, ce qui est assez rare. Ensuite, il y a eu l’adaptation de la cuisine, salle de bain et de toutes les prises électriques pour qu’elles soient à la bonne hauteur. Nous avons aussi clôturé à l’extérieur pour la surveillance des enfants. Ça a été très essoufflant, mais on est bien maintenant. Mon conjoint a vraiment été merveilleux, un vrai guerrier qui a su garder son calme.
Je suis aussi ambassadrice Épicure. Mes collègues, mes clients et mes followers m’ont aidé à me sortir la tête de l’eau et à penser à autre chose que les plafonds suspendus de l’hôpital. Je m’accomplissais ailleurs, encore dans ma vie d’avant.
Puisque ma réadaptation se passait bien, j’ai pu aller faire le cours de conduite adapté à Québec. Ailleurs les délais sont plus longs. Nous avons acheté une Kia Carnival. Le siège derrière celui du conducteur a été retiré. Il y a un bras qui sort pour prendre la chaise roulante et une plateforme qui peut me monter et me descendre. Donc, je peux faire mon transfert jusqu’à ma chaise. Le tout fonctionne avec un petit bras qui est connecté aux pédales et j’ai une boule et accès au bras. Le tout a été rapide, car nous avons pris les devants pour tout.
Qu'est-ce que l'inclusion signifie pour toi?
L’inclusion pour moi ça facilite le quotidien et ça nous permet de retrouver notre autonomie. On tombe d’un jour au lendemain à dépendre des autres quand on a besoin d’adaptation. Je n’étais pas du genre à demander de l’aide, j’étais autonome. Alors, pour moi, l’inclusion c’est l’autonomie. Dans ce sens, il y a plein d’établissements et d’emplacements qui ne sont pas adaptés. Ma maison est adaptée, mais le reste est anxiogène. Où est-ce que je peux aller, qu’est-ce que je peux faire ? Il y a des endroits qui ont la mention « adaptée », mais au final ça ne l’est pas vraiment. Par exemple, une barre d’appui sur le bord des toilettes. J’ai besoin d’un bras rabattable. Il y a aussi les portes. Je ne peux pas concevoir qu’à mes 34 ans, je me sente prisonnière de ma maison dorée ! Il y a aussi à l’épicerie, est-ce que le stationnement va être dégagé adéquatement particulièrement en hiver? Est-ce que la pente est correcte ? Est-ce qu’il y a de bons outils à notre disposition comme les paniers plaçables à l’avant de la chaise? J’ai demandé à mon conjoint d’aller vivre ailleurs, car à d’autres endroits, ils sont pas mal plus avancés qu’ici en termes d’inclusion. Il y a aussi les hôtels 4 étoiles « adaptés », mais qui ne le sont pas réellement. Il faut les faire comme il le faut et demander de l’information aux personnes concernées pour que le tout soit adéquat. Bref, c’est tout cela qui est anxiogène. Tu doutes toujours si le tout va être vraiment accessible. Je ne me sens pas encore prête à sortir seule, mais je ne veux pas vivre dans ma maison. Je veux ma vie d’avant, faire ce que je faisais sans devoir toujours dépendre de quelqu’un d’autre.
Quelles sont les solutions qui facilitent tes déplacements, tes activités et ton quotidien ?
Que les propriétaires d’établissements s’informent sur les besoins réels. Je me suis blessée dans une salle de bain dite « adaptée » dans laquelle je ne pouvais pas faire entrer mon fauteuil. Il faut que l’ensemble des gens soient sensibilisés. On n’en voit pas beaucoup de personnes en fauteuil ou autre et c’est normal, car peu de choses sont adaptées. Je pense à l’école de mes enfants. Je dois arriver entre 15 et 20 minutes avant tout le monde pour me stationner et pouvoir les déposer. Il faut que les gens arrêtent de dire qu’ils vont faire des adaptations. Ça prend moins de paroles et plus d’actions. Ce n’est pas juste pour des personnes de 70 ans qui ont une canne, c’est pour tout le monde. Et c’est correct de demander de l’aide de temps en temps, mais à la longue, ça devient tannant.
Lors de ma dernière visite au centre de réadaptation, il y avait des personnes qui souhaitaient m’aider et tu ne veux pas dire toujours « oui ». D’abord parce qu’il y a de l’orgueil, mais aussi parce qu’il faut aussi que j’apprenne à le faire par moi-même. Mais, on n’a pas envie d’apprendre devant tout le monde.
Il devrait y avoir des normes de construction plus strictes à respecter et puis des constats d’infractions « positifs » pour aviser qu’il y a une amélioration et correction à faire. Par exemple, s’il y a une personne qui se stationne trop près de moi et que je ne suis pas capable de sortir mon véhicule. Sur les réseaux sociaux des personnes aux États-Unis, ils donnent de fausses contraventions. Le tout, simplement pour conscientiser les autres.
Quelles sont tes meilleures suggestions de solutions inclusives ?
Qu’il est important de s’informer, de normaliser, sensibiliser puis d’effectuer les travaux sur les lieux, afin de rendre adaptés les lieux qui ne le sont pas vraiment. En même temps, il faut que ça soit fait avec des barèmes stricts et clairs.
Je crois que ces solutions-là vont nous permettre de nous sentir comme tout le monde; d’avoir une belle autonomie et aussi de briser l’isolement pour qu’on puisse être de retour aux activités quotidiennes.
Quelles sont tes principales recommandations pour des solutions qui favorisent l’inclusion ?
Il faut adapter notre société pour tout type de clientèle confondue. Autant pour une personne avec une déficience visuelle qu’une déficience physique. De normaliser les bras rabattables, des clochettes d’urgence pour les lieux fermés et les portes automatiques. Vraiment, d’adapter tout ce qu’on considère comme étant de base et pour tous.
Quels sont tes aspirations ou désirs en matière d’inclusion ?
Sensibiliser, c’est vraiment mon cheval de combat. D’être une voix pour ceux qui ne parlent pas, c’est vraiment ça mon but. C’est ce que je souhaite mettre de l’avant et que je vais continuer de faire.