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Benoît Pellerin,
le producteur de camerises

Notre personnalité inclusive du mois de septembre

Benoit Pellerin

il/he/lui

Propriétaire de la ferme Missouri, à Bécancour, et producteur de camerises

On a remarqué Benoit Pellerin dans l'une des nombreuses publications médiatiques auxquelles il a participé cette année, avec sa ferme Missouri. Il attire l’attention, parce qu’il est vraiment dans sa zone de génie avec sa production de camerises, comportant 4500 plans de 4 variétés différentes. Leur production annuelle cette année s’élève à six tonnes de fruits. Agriculteur de troisième génération, son projet de relève lui ressemble totalement et lui permet de vivre pleinement sa vie professionnelle. L’histoire de Benoit est un exemple de résilience extraordinaire et d'un homme qui crée les opportunités.

 

Benoit, parle-nous un peu de toi et de ton parcours.

J’ai un handicap visuel de naissance, donc j’ai toujours vécu avec ça. Quand j’étais plus jeune, je faisais du nystagmus, c’est comme si mes yeux avaient le parkinson. Mes yeux tremblaient tout le temps, ça explique peut-être pourquoi j’ai développé une si grande myopie. Ça s’est complètement résorbé à la fin de mon primaire, mais ma vue a toujours été assez basse par la suite.

 

Par exemple, ma vue était limite pour avoir un permis de conduire. Mon médecin a accepté de me signer un document d’autorisation pour l’avoir, mais comme j’étais assez téméraire, j’ai eu des accidents qui ont fait baisser ma vue. Ce qui fait que je ne l’ai pas eu finalement. Mais ça ne m’a pas empêché d’aller à l’école, j’ai fait un baccalauréat en communication. Je ne voyais pas au tableau durant les cours, mais juste en écoutant j’étais capable d’avoir de bonnes notes. J’ai même continué à la maîtrise, mais il y avait beaucoup trop de lectures à faire. Je n’étais pas capable de lire plus que 5 à 6 pages avant d’avoir de la fatigue oculaire, les mots se mélangeaient, c’était flou, ça me donnait de grosses migraines. J’ai laissé les études de côté, parce que j’ai eu un poste en communications. Mais ma vue a continué de baisser et je n’étais plus capable de travailler à l’ordinateur.

 

J’ai grandi sur une ferme et finalement, on dirait que l’agriculture, ça m’a manqué un peu. Les camerises, c’est mon projet de relève. Je voulais trouver une production qui me représentait. Je ne pouvais pas reprendre les grandes cultures de mon père, parce que je ne peux pas conduire les tracteurs. Je n’avais jamais mangé de camerises avant de me chercher un projet de relève. Mais je suis tombé en amour avec ce petit fruit-là et ça me permettait d’utiliser les terres qu’on avait déjà, même avec mes limitations visuelles. On fait maintenant de l’autocueillette, on fait notre propre mise en marché. On a planté en 2019 et l’année passée c’était notre première récolte. Cette année, on a triplé nos ventes, donc ça va bien.

 

Qu'est-ce que l'inclusion signifie pour toi?

C’est une belle idée, mais je trouve que beaucoup de gens pensent qu’ils sont inclusifs alors qu’ils ne le sont pas. Toute ma vie, j’ai fait semblant que mes limitations n’existaient pas, jusqu’à un point où ça m’a nui. Je me suis mis dans des situations d’échec à cause de ça. Quand je travaillais comme agent de communication, une ergothérapeute est venue pour faire des suggestions pour le milieu de travail. Juste au niveau de la lumière, elle était beaucoup trop intense, même pour une personne sans limitation visuelle. Quand j’ai donné les recommandations à mon patron, il m’a répondu qu’il ne pourrait pas faire ça. J’ai compris que si je voulais avoir un milieu d’adapté à mes besoins, j’allais devoir être mon propre patron.

 

Quelles solutions facilitent tes déplacements, tes activités, tes loisirs, ta vie quotidienne ?
Je fais de la photophobie, donc j’ai besoin de lunettes de soleil spéciales pour contrer ça. Des fois, j’en mets deux en même temps. La production de camerises peut se faire avec des outils que je suis capable d’utiliser. On a un outil qui brasse les arbustes, je le pose contre le tronc et je sais que tous les fruits tombent, je n’ai pas besoin de vérifier. Les fruits dans les arbres, je ne les vois pas. Il faudrait que j’y aille la nuit pour les voir.

Aussi, bizarrement, la Covid a nui à beaucoup de gens, mais moi, ça m’a aidé dans ma vie quotidienne. Tous les services de livraison de ce monde qui sont devenus disponibles durant la Covid, genre Amazon, Doordash, ça m’a beaucoup aidé à être autonome. J'ai pu faire mes commissions moi-même, mon épicerie, acheter à la pharmacie. Ces commerces peuvent tous livrer chez moi. C’est des services de base, qui n'étaient pas disponibles pour moi avant, de façon autonome. J’ai aussi pu faire un AEC en ligne au Cégep de Victoriaville, par moi-même, sans devoir dépendre de mes proches pour aller me porter à l’école. Tous ces services font une grande différence dans mon autonomie.
 

Comment ces solutions ont-elles un impact positif sur ta vie ?
Ça me permet d’avoir un emploi, d’être autonome, de ne pas dépendre de l’assurance-emploi.

Quelles solutions proposes-tu pour faciliter l’inclusion et la diversité ?
L’idée d’avoir accès à un budget avec un peu de flexibilité, pour des objets d'adaption que j'utilise, ça serait vraiment bien. Dans les programmes d’aide, tous les bénéficiaires ont accès aux mêmes aides, de façon égale. Au lieu de nous offrir des items qui ne sont pas nécessairement utiles pour nous, ça serait mieux nous offrir un montant d’argent pour acheter ce qu'on a vraiment besoin pour bien fonctionner. L’idée n’est pas d’en abuser, mais de s’assurer d’obtenir les solutions qui nous aident vraiment pour notre réalité.

 

Les menus en ligne, ça m’aide vraiment beaucoup, parce que je peux le consulter avant d’aller au restaurant. Quand j’arrive dans un lieu où je n’ai pas de contrôle sur la lumière ou la grosseur de la police d’écriture, je ne suis pas capable de lire les menus.

Quel souhait aurais-tu en lien avec l’inclusion ?
Avec ma condition je peux avoir des télévisionneuses, des loupes, des télescopes, des cannes, un chien, name it, mais je n’ai pas besoin de ça. J’ai même eu des lunettes de piscine adaptées à ma vue. J’ai juste besoin de 5-6 paires de lunettes différentes adaptées à chaque situation. Mais on ne peut pas me donner ça, je peux avoir seulement une lunette claire et une lunette solaire. Pour les autres, je dois me débrouiller. Les services adaptés ne sont pas toujours adaptés aux besoins particuliers. J’aimerais ça que ça le soit.

 

J’aimerais aussi que les transports adaptés soient plus disponibles et faciles d’accès. Que l’offre soit plus étoffée. Qu’on prenne une partie du budget pour agrandir les routes et qu'on l'investisse dans un transport en commun bien adapté et flexible. Un hybride entre le taxi et les transports en commun. N’importe qui sur le territoire pourrait appeler et avoir un lift privé. Pour aller n’importe où. Ça fait beaucoup moins d’autos sur les routes. Ça a tellement de bénéfices le transport en commun, qui ne sont plus à prouver.

Quelle personnalité inclusive apprécie tu particulièrement et pourquoi ?
J’aimerais ça te donner une réponse très réfléchie et intelligente, mais la première personne qui me vient en tête, c’est ma blonde. Quand je l’ai connue, j’étais dans une période sombre. Je venais de laisser mon emploi d’agent. C’est elle qui a cru en moi pour que je puisse croire en moi aussi. C’est elle qui m’a dit que j’étais capable. Depuis, j’ai démarré deux entreprises qui fonctionnent. Elle est toujours là et elle m’aide. Elle est responsable de mon autonomie aussi, elle me permet d’être moins dépendant de mes parents. J’ai 34 ans, c’est normal que je veuille mon autonomie de mes parents. Elle offre l’autonomie que j’apprécie et dont j’ai besoin pour vivre ma vie. J’essaie de lui redonner aussi en l’aidant en autre chose, mais c’est elle qui a le rôle de nous conduire où on a besoin d'aller. En résumé, elle me comprend, me supporte et j’apprécie son aide énormément.

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