Michelle Camara
Elle, She/Her
Formatrice et consultante en équité, diversité et inclusion
Michelle, par quel pronom tu te définis et quel est ton titre officiel?
Mes pronoms sont elle-she-her je suis une femme cisgenre, et je m'identifie comme telle. Je suis actuellement formatrice et consultante en équité, diversité et inclusion. Je suis embauchée par le Cégep Marie-Victorin dans le cadre du défi 50-30 et à côté de ça, et je suis aussi travailleur autonome.
Michelle, parle-nous un peu de toi et de ton parcours.
Alors, comme beaucoup de gens qui travaillent en EDI, mon parcours n'a pas été linéaire et en fait, ma place aujourd'hui a été influencée par toutes les expériences de vie personnelle et professionnelle que j'ai eu à vivre.
En fait, j'ai commencé ma carrière en relations internationales. Je travaillais pour une université française et j’étais responsable de la coopération universitaire et de la mobilité des étudiants français vers l'Asie et des étudiants asiatiques vers la France. La mobilité internationale est une expérience enrichissante que j’ai moi-même eu la chance de vivre. Travailler dans le domaine des relations internationales et plus particulièrement à la mobilité étudiante était à la fois ma façon de donner à d’autres la chance de vivre ce que j’avais vécu (une année de mobilité étudiante incroyable qui a encore des impacts positifs sur ma vie aujourd’hui) et une façon de réaliser un rêve d'enfant.
D’ailleurs, en parlant de rêve d’enfant, je parle de ces nombreux rêves qui ont guidé mes choix professionnels dans un micropodcast : Chelle’s Work Stories (Disponible sur Apple Podcast et Spotify). Plus jeune je rêvais d'avoir un impact positif sur le monde et j'étais persuadée que par le dialogue et l'éducation on pouvait régler tous les problèmes, réduire les inégalités. J'étais vraiment naïve et idéaliste. Mais ça résume bien la mission de vie que je me suis donnée. (rire)
En choisissant de m’installer plus longuement à Montréal en 2018, comme beaucoup d'immigrants, en fait, j’ai eu des difficultés à trouver un emploi dans mon cœur de métier malgré mes quatre ans d'expérience, mon baccalauréat, ma maîtrise en affaires internationales et en administration des affaires.
En fin de compte, aujourd’hui je pense que parfois la vie te pousse vers certaines places. J’ai dû me réorienter et transférer mes compétences dans un autre domaine, et c’est en ouvrant d’autres portes que j’ai commencé mon cheminement en ÉDI. Un domaine toujours en accord avec ma mission de vie en fin de compte.
En 2019, pour la première fois de ma vie, je découvre que certaines grandes entreprises s’attaquent à travers des programmes aux enjeux d'équité, de diversité et d'inclusion en milieu organisationnel. Je découvre que c’est un enjeu identifié auquel l’entreprise dans laquelle je travaillais à l’époque avait décidé de s’attaquer.
Cela a probablement acté mon engagement en EDI. En 2020 je lance le réseau de professionnelles Invicta pour encourager le développement professionnel des femmes de diverses communautés ethniques à Montréal. À travers cette initiative sans vraiment le nommer, j’abordais des questions d’équité et d’inclusion dans le monde des affaires. Nos rassemblements avaient pour but de partager et faire entendre les embuches qui se dressent sur le parcours des femmes, notamment les femmes des communautés ethnoculturelles de Montréal.
« Pourquoi on n'est pas bien rémunéré.es? Pourquoi on n'ose pas? Comment on peut se partager nos expériences pour débloquer un monde de possibilités et d'opportunités pour chacune d'entre nous ? »
Et à chaque rencontre nous tentions de légitimer nos vécus et de trouver des solutions pour démolir plafond et falaise de verre, ensemble.
Pendant trois ans d’aventure avec Invicta, je me suis sentie sur mon X. Alors j’ai voulu faire de ce travail de promotion de la diversité, de l’équité et de l’inclusion dans les organisations mon travail à temps plein. C'est vraiment comme ça que je me suis retrouvée à travailler concrètement en tant que spécialiste des questions ÉDI.
Après plusieurs années de pratique et de formation dans le domaine, je me suis rendu compte que mettre en place une démarche en ÉDI dans une organisation revient à faire de la gestion du changement. Alors je suis actuellement une formation en développement organisationnel aux HEC pour m’appuyer sur des théories et méthodologies éprouvées pour accompagner au mieux les organisations dans ce changement nécessaire.
Qu'est-ce que l'inclusion signifie pour toi?
Tu sais, il y a beaucoup de définitions de l'inclusion.
L'inclusion pour moi s'est créé un espace et des conditions dans lesquelles chacun se sent libre et invité à contribuer de façon authentique. Dans les relations humaines, même quand il n’y a pas de différences majeures entre les personnes ou simplement des différences de personnalité, on peut adopter des comportements excluants. Alors, imagine le rejet que l’on peut exercer sur des membres de groupe que l’histoire et les sociétés ont de tout temps stigmatisé… C’est très simple, c’est vite intégré et normalisé. Puis, ça, m'est arrivé à plusieurs reprises. L’inclusion, pour moi c’est questionner mes comportements et faire de la place pour que chacun puisse s’exprimer et participer.
Quelles solutions proposes-tu pour faciliter l’inclusion et la diversité?
J’aimerais surtout souligner les initiatives, de manière générale, qui facilite l’accessibilité des espaces urbains. En 2022, pour la première fois j’ai eu à me balader en poussant un carrosse. Je recommence à peine à sortir et je me suis rendue au centre-ville pour un dîner avec une amie. Je me suis rendu compte que l’espace urbain n’était absolument pas pensé en prenant en compte les personnes qui se déplacent autrement, avec des roues par exemple! Ce n'est pas parce que je suis maman que je vais rester chez moi, moi aussi, je veux participer à la vie quotidienne…
Je me suis mise pour la première fois à la place d'une personne qui a une mobilité réduite. J’ai réalisé qu’en ne prenant pas en compte la réalité de ces personnes, on les excluait de l’espace urbain. Alors progressivement je prends l’habitude de questionner l’accessibilité des produits et services que j’utilise ou offre. Alors merci à celleux qui favorisent l’accessibilité des espaces physiques ou non, vous êtes des champion.nes de l’inclusion.
Et en second lieu, je dirais que l’autoéducation sur la discrimination et les biais c’est déjà un beau début de solution d’inclusion. Ça entraine à questionner ses façons de faire pour s’assurer, tant que possible, qu’elles sont inclusives. C’est pour ça qu’en saisissant le sens des principes d’équité, diversité et inclusion et en les gardant en tête dans nos prises de décisions et en les appliquant dans nos façons de faire on favorise l’inclusion.
Comment ces solutions ont-elles un impact positif dans ta vie?
J’étudie actuellement aux HEC. Et par exemple, pendant la période d'examens l’administration à la disposition des parents un service de garde.
C’est une façon aussi de prendre en compte la réalité des parents et donc de favoriser l’inclusion de parents qui sans ça aurait peut-être du mal à venir passer leurs examens. Ça ne fait pas tout, on pourrait aller jusqu’à penser à d’autres modalités pour les proches aidants par exemple. Mais le mécanisme de questionnement et l’effort d’inclusion sont là.
L’inclusion c’est d’offrir la possibilité aux personnes de s’exprimer et de participer indépendamment de leurs particularités. C’est ça l’impact positif. On remplace les barrières par des possibilités.
Quel souhait aurais-tu en lien avec l'inclusion?
Que ce soit compris de toutes et tous et notamment des leaders. Si les dirigeants montrent que ce n’est pas important d'être inclusif, pourquoi, « les autres » avec moins de pouvoir, on s’y collerait? Je rêve que veiller à être inclusif devienne une priorité voire un automatisme dans nos vies.
Qui est pour toi une personnalité inclusive dont tu aimerais souligner le travail?
Il y a plusieurs personnes que j'apprécie et que j'admire dans le métier. Je partage une vision commune et un but commun avec ces personnes. Mais je vais oser le dire, j'aime beaucoup la ligne de communication de Raphaël Provost. Dans le fond, je le rejoins sur l’idée de respect de la diversité. Les gens ne partagent pas les mêmes idées ou croyances mais ça ne devrait pas entraver la vie en société.
Plus particulièrement, dans le cadre d'une organisation, l'objectif ultime, c'est la performance de l'organisation. Ne pas faire appel à toute la diversité de talent, tolérer les comportements agressifs ou discriminants a des effets néfastes sur les personnes. En fin de compte ces comportements ont un impact nuisible au développement des professionnels et cela revient à priver l’entreprise de talent potentiel et donc d’améliorer sa performance.
Pour revenir à Rafaël, j’aime sa manière de porter le message de façon non clivante. En prônant des milieux plus justes, diversifiés et inclusifs, je pense qu’on doit faire attention à ne pas créer une fracture dans la relève par des discours autoritaires, culpabilisants ou au contraire sans conviction.
J'ai déjà entendu quelqu'un me dire : « ouais, mais là l'homme blanc, hétéro en cinquantaine, il ne se retrouve pas dans la diversité et l'inclusion ». C’est faux.
Avec l'inclusion on ne veut pas faire de l'exclusion. Je crois qu’il y a suffisamment de place pour tout le monde et qu’en sensibilisant EDI on travaille à créer des espaces inclusifs inédits. L'inclusion, c'est tenir compte de toute cette diversité en insistant pour faire de la place sur certains groupes qui, historiquement et statistiquement, sont plus exclus que les autres.
Je dirais que c'est l'enjeu du moment vraiment : rappeler que le respect de la diversité et le travail d’inclusion, c’est l’affaire.